S’engager confiné
30,5e rencontre des Citoyen·ne·s du Livre, groupe de lecteurices* de la Bibliothèque George Orwell des Territoires de la Mémoire
Ce groupe se réunit physiquement plusieurs fois par an au milieu des livres du libre-service de la bibliothèque pour y discuter, échanger et partager ses découvertes culturelles du moment. Ces rencontres peuvent être thématisées, comme c’est le cas pour cette 30,5e, et souvent, le débat nous emmène hors du thème parce que l’homme et la femme sont ainsi faits que toujours illes aiment se laisser dériver sur le courant de leurs pensées. Plus d’informations sur ce groupe et les mémos des 29 réunions précédentes sont accessibles sur cette page.
Aujourd’hui, 20 mai, il est impossible de se réunir, nous avons donc proposé aux participants habituels de partager ensemble, numériquement, le résultat de nos réflexions sur le confinement en lien avec l’engagement. Vous trouverez au bas de cette page l’appel tel qu’il a été lancé.
Et voici le résultat.
Commençons par Michel R. coordinateur de la Bibliothèque George Orwell.
« Bonjour à toutes et tous,
En bon bibliothécaire j’ai chez moi une grosse bibliothèque, remplie de livres lus – ou en partie lus ou pas lus du tout. En bon bibliothécaire, j’ai profité de ce temps accordé à la maison pour en faire l’élagage. Celui consiste à ôter des rayons d’une bibliothèque les livres périmés, pas empruntés, considérés comme inutiles et à s’en défaire soit par le recyclage, soit par le don. Après avoir opté pour un don à mon bouquiniste préféré, celui de l’Enseigne du Commissaire Maigret (Boulevard de la Constitution 3, 4020 Liège), j’ai décidé d’en mettre devant chez moi, pour que les passantes et les passants puissent les prendre et les dévorer.
Très vite, mes voisines et voisins ont déposé des livres, des cd, des dvd sur cette « étagère à culture ».
Depuis le 17 avril, celle-ci sort dès qu’il y a un rayon de soleil. Quelques fois, je m’assieds sur le banc à côté, et alors, les curieuses et les curieux papotent avec moi sur ces livres qu’illes ont pris et, j’espère, lus.
Il me semble qu’en ces temps de confinement, il est heureux que le partage d’objets culturels permette la rencontre, en gardant une distanciation physique sans distanciation sociale, ce n’est pas un geste barrière mais un geste d’amitié. »
Un Citoyen du Livre, Christian M., nous a envoyé un conte philosophique, Fera-t-il beau demain ? Conte pour un autre temps.
« Durant cette période de confinement, j’ai pris les temps de compulser mes archives et grimoires ; j’y ai découvert la mémoire vive d’un monde perdu : une histoire invraisemblable… sans doute une pure fiction… »
Ce texte sera débattu lors de notre prochaine réunion, car comme l’écrit Christian « C’est vrai que la confrontation des points de vue m’intéresse de plus en plus même si parfois elle « m’effraie » mais je sais que dans le cadre de nos réunions on peut travailler en toute sérénité et oser … dans le respect. »
Et puis il y a Coline R. qui a découvert dans une de ses lectures une phrase, une idée qui l’a touchée, elle parle de démocratie et peut aujourd’hui nous inspirer pour un déconfinement solidaire.
Cyril Dion, Petit manuel de Résistance contemporaine, Actes Sud, 2018.
L’exposition “Goulag”, de nouveau accessible depuis le 20 mai à la Cité miroir, a inspiré notre Citoyen du Livre Jean-Louis R., qui nous communique cette présentation d’une vidéo intitulée Natan Sharansky’s Tips for Quarantine, vous pourrez y trouver cinq « astuces » pour mieux vivre le confinement à partir de l’expérience de Natan Sharansky qui a vécu neuf ans au goulag dont 405 jours en cellule d’isolement.
Notre Citoyenne du Livre, Monique H., nous invite à réfléchir sur l’enfermement via ses lectures de confinement. Elle nous parle d’enfermement intérieur, de ghetto intérieur, de polar noir et de livres et documentaires sur les camps dans les dictatures.
Elle nous parle de
Mathieu Menegaux, Je me suis tue, Grasset, 2015
Yann Queffélec, Les Noces barbares, Gallimard, 1985
Gabriel Tallent, My Absolute Darling, Gallmeister, 2018
Karine Giebel, Toutes blessent, la dernière tue, Belfond, 2018
Santiago H. Amigorena, Le Ghetto intérieur, POL, 2019
Yishaï Sarid, Le Monstre de la Mémoire, Actes Sud, 2020
Du documentaire, Goulag – Une histoire soviétique : Origines 1917-1933 (1/3), Prolifération 1934-1945 (2/3) ; Apogée et agonie 1945-1957 (3/3) de Patrick Rotman
Accessible sur Arte boutique https://boutique.arte.tv/detail/goulag_une_histoire_sovietique
Un autre documentaire, Tous surveillés – 7 milliards de suspects de Sylvain Louvet, accessible sur Arte jusqu’au 19/06/2020, https://www.arte.tv/fr/videos/083310-000-A/tous-surveilles-7-milliards-de-suspects/
Et de l’émission « Retour aux Sources » de la RTBF, https://www.rtbf.be/auvio/emissions/detail_retour-aux-sources?id=6095
Et enfin, un dernier texte, celui de Janina R.-O. qui nous parle d’art et plus précisément du lien qu’elle fait entre le confinement et la sculpture de David Altmejd, Bodybuilders, mais aussi d’utopie et de toutes celles et ceux qui d’invisibles sont devenu·e·s visibles.
Tamara H., la libraire, s’est roulée en boule dan son divan en écoutant « S’il faut ça » de Noé Preszow
Et a rugi par ses fenêtres, rejoignant le mouvement collectif des « Silhouettes manifestantes »
Le mouvement des “silhouettes manifestantes”? Un mouvement né à partir d’un groupe Facebook (qui à dater du 14 mai comprenait 1451 membres), dont les initiateurs-trices avaient lancé l’appel suivant :
« Il est temps de faire la révolution, sans haine, sans violence physique, sans compromis et sans délai. La façon dont la crise est gérée par nos gouvernants est inacceptable. Là où il existe une vraie opportunité de renforcer les liens dans la société pour, ensemble, en minimiser les dégâts et venir à bout de la pandémie, nous assistons à une fuite en avant d’un système à bout de souffle, incapable de résoudre les problèmes qu’il a lui-même contribué à créer, incapable de se mettre au service de l’intérêt général. Réagissons maintenant, faisons cesser les excès de la mauvaise gouvernance. Le confinement nous empêche certes de manifester physiquement, publiquement. Trouvons d’autres moyens, montrons notre opposition pour empêcher de futures catastrophes encore plus violentes.
Les silhouettes: nos représentant.e.s opposant.e.s! Créons des silhouettes manifestantes et posons-les à des endroits stratégiques près de chez nous. Ces silhouettes nous aideront à ressentir la force de notre multitude à vouloir ce changement profond […] »
https://www.facebook.com/groups/525245498165696/about/
Les silhouettes semblent se multiplier…
Jérôme D., a posté sur Facebook le 3 mai 2020 :
Rencontres matinales du côté de Cointe.
« Solidaire.s – la colère dans le cathéter ! »
On nous signale que d’autres silhouettes manifestantes auraient été vues dans Liège, et pas que #colèrenonconfinée
Et vous, qu’avez-vous pris, fait comme engagement durant ce confinement ? Envoyez-nous vos commentaires, informations, liens … pour que cette rencontre ne finisse pas et que se multiplient les pistes vers un déconfinement qui ne revienne pas à l’anormal.
Et si vous désirez faire du chemin avec nous, rejoignez-nous lors de la prochaine rencontre des Citoyen·ne·s du Livre. Pour connaître la date, contactez-nous bibliotheque@territoires-memoire.be
Appel aux Citoyen·ne·s du Livre
« S’engager confiné »
Confinement ne veut pas dire barrière à la connaissance, à la diffusion des idées, contre l’évasion des esprits.
D’ailleurs, nombreux-ses sont ceux-celles qui mettent à profit l’enfermement pour davantage lire, écouter, regarder, contempler, créer, penser, cultiver leur « hors de soi » et soutenir à leur manière les personnes « en première ligne », de l’autre côté de la barrière.
Une quarantaine politique qui n’empêche pas de réfléchir à notre destin « commun », à notre société, et à agir pour la transformer/l’améliorer maintenant et dans le futur. En somme, « s’engager confiné.e » !?
Est-ce possible ? La constitution d’un terreau fertile pour faire grandir le changement ? Un moment suspendu, premier pas avant l’action, ou une forme d’action elle-même ?
Et si, après, il y avait moyen de partager ensemble toutes ces réflexions, de faire surgir de cette période d’enfermement une période d’ouverture ? De transformer ces moments difficiles en opportunités ?
Eh bien, oui, c’est possible.
Chères et chers membres des Citoyen·e·s du Livre, nous ne pourrons pas nous réunir à la Bibliothèque George Orwell le mercredi 20 mai alors nous vous proposons de nous envoyer par mail vos textes, vos vidéos, vos photos ou vos sons qui nous parlent d’engagement en confinement. Comment s’exerce, chez vous, la solidarité avec les autres ? Avez-vous été interpellé par un article, un livre, un film qui vous parle du confinement que vous vivez ? Pour « l’après », pensez-vous que tout doit revenir comme avant ou doit-on changer certaines choses dans notre société ? …
Pour cela utilisez les applications de vos smartphones : photo, vidéo, enregistrement. Vous pourriez par exemple nous envoyer une photo de vous en train de lire l’extrait d’un livre accompagné de l’enregistrement sonore de cet extrait ou la vidéo de ce que vous voyez par votre fenêtre avec l’enregistrement sonore de ce que vous souhaitez pour l’après confinement … Mais cela peut aussi être un dessin (souvent mieux qu’un long discours), une photo sans légende, un texte long ou court …
Tous ce que vous allez nous envoyer sera ensuite diffusé sur le site web de l’opération #CulturesEnRésistance d’Arsenic2 et du CAL Province de Liège qui permettra aux différents partenaires des « Champs des possibles » de rendre leurs productions accessibles au public et de susciter des échanges (virtuels ou téléphoniques).
* Concaténation des mots lecteurs et lectrices, lecteurices pour signifier la diversité de genre.
Peut s’appliquer à d’autres mots : animateurice, auteurice, acteurice, locuteurice, cooordinateurice …