Article La Libre Belgique
“Cultures en transitions”, une expo insolite pour booster la transition alimentaire
Une expo participative met en évidence des histoires et des initiatives wallonnes.
Reportage Emma Nicolas
Avec son foulard coloré et son enthousiasme, Céline Martin invite un petit groupe de visiteurs
à déambuler dans un curieux décor où des bottes en caoutchouc poussiéreuses côtoient des paniers en osier remplis de fruits et légumes. Installé au centre de la pièce, un petit écran diffuse d’entrée de jeu un slogan : “Nourrir la Wallonie durablement et de façon solidaire, oui, c’est possible !”
Bienvenue à l’exposition Cultures en transitions, immersion insolite dans l’alimentation de demain, jusqu’au 22 août à la Cité Miroir, à Liège.
À travers un mélange de photographies, d’œuvres interactives et de vidéos retraçant divers projets en faveur d’une transition alimentaire écologique et durable, Cultures en transition entend poser les enjeux auxquels fait face la filière agricole. Son objectif : sensibiliser et informer chaque visiteur sur l’alimentation durable – qui respecte et préserve la santé, les paysans et la terre – pour populariser la transition alimentaire. “Ce qu’on veut, c’est que tous ceux qui viennent visiter l’exposition puissent ensuite s’impliquer à leur tour dans la transition”, explique Alexis Garcia, directeur d’Arsenic2 et metteur en scène.
“Un autre chemin est possible”
Ce jeudi 3 août, un petit groupe du Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE) est venu voir l’expo, qui se veut avant tout joyeuse et optimiste. Accessible aussi, puisque l’entrée ne coûte qu’un euro. Cardigan vert émeraude et boucles d’oreilles assorties, Justine s’approche, intriguée, d’un mur où sont accrochés des dizaines de dessins. “Une biodiversité à préserver”, peut-on lire sur l’un d’eux.
L’agriculture intensive – notamment les grandes monocultures qui recourent aux intrants chimiques – porte une lourde responsabilité dans la dégradation des terres et la perte de biodiversité dans le monde, en plus d’être à l’origine d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Face à ce constat, la transition alimentaire durable et écologique apparaît comme une nécessité. “Notre système [alimentaire] est tellement fort et tellement ancré qu’il ne laisse aucune place à l’innovation et aux initiatives diverses et variées telles que celles que l’on voit ici”, explique Pierre Ozer, l’un des concepteurs de l’exposition et professeur à l’Université de Liège. “Cette exposition est une occasion de braquer les projecteurs sur des alternatives concrètes qui existent déjà et qui fonctionnent. Un autre chemin est possible.” Agroécologie, coopératives, circuits courts, fermes collectives, partout en Wallonie des individus expérimentent des modèles de production alternatifs.
L’idée a germé en 2020, à la suite des pénuries alimentaires engendrées par la pandémie de Covid-19. “On a tous pris conscience de l’extrême fragilité de notre système alimentaire”, raconte Céline Martin, qui anime les visites sur demande. “Au lieu de faire un diagnostic de tout ce qui cloche, on a voulu poser notre regard sur ce qui fonctionnait déjà : les opportunités, les potentiels et tout ce qui est déjà en acte ici sur notre territoire.”
Deux sœurs, une exploitation bio
L’exposition – organisée dans le cadre du projet “Nourrir la Wallonie” par le Centre d’action laïque de la province de Liège, Arsenic2, Adoc et la Cité Miroir – repose essentiellement sur des initiatives existant déjà aux quatre coins de la Wallonie. Tel le projet de Jessica, qui “participe au potager collectif de [son] quartier”, ou celui de Gino, qui “cultive une parcelle pour [sa] famille” dans un potager communautaire.
Bras croisés et casque vissé sur les oreilles, Cindy Pahaut écoute attentivement une vidéo retraçant l’histoire d’Isabelle et Nathalie Habsch, deux sœurs qui ont créé une exploitation bio et familiale à Andrimont (Dison), en province de Liège. “C’est une belle façon de montrer que les femmes ont aussi leur mot à dire dans la transition alimentaire”, explique la chargée de publication du CVFE, initiatrice de la visite.
Crayons, feuilles de couleur et magazines servent de point de départ à de nouvelles œuvres aux messages forts, créées par les visiteurs eux-mêmes. C’est justement ce côté participatif qu’apprécie Juliette, étudiante en sociologie. “J’ai voulu montrer qu’une alimentation locale, collective et respectueuse de l’environnement peut réduire les inégalités sociales”, explique-t-elle en nous montrant du doigt son œuvre. “Ces questions et ces enjeux m’animent profondément.”
Pour clôturer la visite, Céline Martin remet à Justine, Cindy et Juliette, comme à chaque visiteur, deux sachets de graines à planter… De quoi faire germer des idées et ouvrir le champ des possibles.